Avec le déni de grossesse, l’inconscient démontre sa toute-puissance. Longtemps considéré à tort comme une dissimulation, un mensonge, le déni de grossesse est aujourd’hui de plus en plus reconnu comme un mécanisme inconscient dont les mères sont souvent les premières victimes. Le déni de grossesse se définit comme le fait pour une femme enceinte de ne pas avoir conscience de l’être. La femme ne prête pas attention aux mouvements du bébé, les rares sensations inhabituelles ressenties étant mises sur le compte de maux de ventre. Certaines peuvent même conserver des règles régulières ! Faute de cette conscience, le ventre ne grossit pas et la grossesse passe généralement inaperçue de l’entourage qui assure ne rien voir, ni dans le milieu professionnel, ni dans la famille, ni même dans le couple où le compagnon ne remarque rien. L’enfant (qui pèse presque toujours un poids classique à la naissance) se loge en fait en position debout, dans un utérus resté à la verticale, près de la colonne vertébrale. Au moment de l’annonce du déni par le médecin et la prise de conscience par la femme qu’elle est bien enceinte, son corps peut alors se transformer en un temps record! Le déni de grossesse est partiel lorsque la grossesse est découverte à partir du 5e mois de grossesse et le déni de grossesse est total lorsqu’il est constaté à terme. Quand le déni est total, l’accouchement peut s’accompagner d’un état de sidération. A fortiori s’il a lieu dans la solitude… Dans ce cas, l’accouchement peut aboutir à la mort du bébé, soit accidentellement, soit par manque de soins. Cet évènement constitue alors pour la femme un drame d’une gravité peu commune. Non seulement dans les heures qui suivent la naissance, elle réalise brutalement qu’elle était enceinte sans le savoir mais en outre que son bébé est mort ! On comprend pourquoi, bien que peu reconnu par le monde médical il s’agit d’un réel problème de santé publique pour lequel le Dr Félix Navarro, (Président de l’Association Française pour la Reconnaissance du Déni de Grossesse) souhaite voir les instances se mobiliser. Loin d’être issues de milieux défavorisés, d’être déficientes intellectuellement ou de présenter des troubles psychiatriques, les femmes concernées sont d’une « normalité » désarmante, ce qui rend le phénomène encore plus troublant. Toutes les femmes, dans toutes les couches sociales sont donc susceptibles de vivre un déni de grossesse. Il faut alors s’interroger : est-ce parce que les symptômes sont absents qu’une femme ne sait pas qu’elle est enceinte ? Ou est-ce parce qu’elle ignore sa grossesse que les signes ne se manifestent pas ? Si on ne peut répondre formellement à la question, on considère aujourd’hui que les causes du déni de grossesse sont en grande partie psychologiques et liées à l’inconscient. En très grande majorité, les enfants nés d’un déni de grossesse sont viables, acceptés et élevés dans leur famille. Il est clair que la rencontre entre la mère et l’enfant peut prendre un peu de temps – quelques jours, quelques semaines, parfois plus –, dans la mesure où la mère n’a pas pu lier de contact avec son enfant pendant la grossesse et n’a pas construit de relation avec lui. Si aucune formule générale ne peut résoudre le « mystère » du déni de grossesse, reste que les problématiques de la féminité et de la maternité, avec tout ce qu’elles recouvrent – rapport au corps, sexualité, conjugalité – sont centrales. D’une manière générale, on peut dire que les dénis de grossesse apparaissent lorsque la maman n’est pas prête à faire face à la maternité, même si chaque déni de grossesse est une histoire particulière…